mardi 10 janvier 2017

2017, année horrible ?


Comme tout le monde en ce début d’année je reçois et j’échange des vœux. Des vœux personnels certes de santé et de bonheur pour chacune et chacun d’entre nous. C’est essentiel. Mais aussi des vœux pour le monde tel qu’il va. Ce qui me frappe à ce propos c’est le manque d’enthousiasme de mes proches vis-à-vis de l’année qui s’ouvre. Au mieux elle apparait comme l’année de toutes les résistances, au pire comme celle de toutes les catastrophes. Face à un monde où les guerres s’installent durablement et apparaissent sans issues, où les inégalités atteignent des niveaux vertigineux, où de Berlin à Istanbul la violence aveugle se déchaine, où l’arrivée au pouvoir de Trump semble annoncer chez nous celle de Fillon voire de Le Pen, où les violences faites aux femmes, l’homophobie, le racisme ordinaire se banalisent, les personnes les mieux intentionnées sont pour le moins sceptiques sur ce que peut  apporter de positif 2017. Je comprends ce « pessimisme de la raison » et pour une part je le partage. Mais je pense malheureusement que pour le faire reculer il ne suffira pas de lui opposer un « optimisme de la volonté » en se contentant d’affirmer que 2017 sera ce que nous en ferons. L’année qui vient, je dirai même les années qui viennent, appellent plus que cela. Pour que le malheur succombe, que l’arrogance et l’imposture reculent, que l’obscurité cède face aux lucioles, il nous faut faire preuve de lucidité dans l’analyse, d’esprit de rassemblement et de courage politique pour inventer et imposer une alternative.

Le monde va mal, c’est un constat que tout le monde partage si l’on excepte l’extrême minorité qui s’approprie les avoirs, les savoirs et les pouvoirs. Encore faut-il justement avoir la lucidité d’analyser le lien de causalité entre cette domination quasi totalitaire et l’état d’un monde devenu fou parce qu’il se nourrit des désespoirs et des haines que cette domination produit. Il faut aussi avoir la lucidité de déceler que face à ce monde qui se meurt de ses propres turpitudes, un autre monde émerge fait de solidarité, de partage, de respect de la nature, de cultures ouvertes aux autres, d’aspiration à vivre ensemble dans la recherche du bien commun. Le monde d’aujourd’hui c’est à la fois Airbus qui licencient malgré ses énormes profits et ces milliers de sociétés coopératives telle 1336 qui inventent une nouvelle économie, cette Europe sans cœur qui rejette les réfugiés et ce paysan des Alpes maritimes qui les accueille, ce spectacle politique de plus en plus anachronique et ces peuples de par le monde qui se révoltent et expriment une formidable aspiration démocratique.

Ce sont ces acteurs du monde de demain qu’il faut unir en bannissant tout sectarisme d’où qu’il vienne. Car ils inventent une utopie concrète qui met l’homme et son environnement au centre d’une nouvelle aventure politique émancipatrice.

Irréaliste face au clair-obscur et aux monstres qu’il produit ? Rappelons-nous sans cesse ce vers d’Hölderlin : « Là où croit le péril croit aussi ce qui sauve ». Bonne année !    

vendredi 6 janvier 2017

Alep : de la souffrance d’un peuple à l’exigence de la paix


« L’humanité s’effondre à Alep ». Ce cri du cœur de l’ONU est révélateur de l’ampleur du désastre humanitaire et de son impuissance à imposer un cessez-le feu et des négociations de paix face aux intérêts et aux stratégies des puissances occidentales mais aussi de la Russie, de l’Iran et de la Turquie. Le drame des populations syriennes a un caractère d’urgence absolue qui doit nous mobiliser en priorité pour exiger une trêve humanitaire destinée à protéger les civils et alléger leurs souffrances.

Dans la foulée nous devons obtenir une réunion d’urgence du groupe international de soutien à la Syrie mis en place il y a un an sous l’égide de l’ONU. Réunion, ne l’oublions pas, qui avait été saboté par les puissances occidentales car leur seul objectif d’alors était d’obtenir le départ du dictateur Assad. Comme si Daesh n’occupait pas une grande partie du territoire syrien avec la complicité du Qatar et de l’Arabie saoudite avec qui  l’occident entretient d’excellentes relations au point de fermer les yeux sur les massacres perpétrés au Yémen par les Saoudiens. Comme si la Syrie n’avait pas vu plus d’un tiers de sa population fuirent des combats effrayants où bombardements et armes chimiques frappaient indifféremment et se transformaient en  réfugiés parqués dans des camps, refoulés aux frontières d’une Europe indigne de son histoire.
Mais au- delà de cette solidarité immédiate, quelle doit être notre ambition principale au moyen orient ? J’ai la naïveté  de penser que c’est l’exigence de la paix dans la reconnaissance des droits de chaque peuple de cette région du monde. Celle-ci a le malheur de concentrer des richesses considérables : symboliques, les monothéismes, et matérielles, le pétrole, qui font  aujourd’hui de « cet orient compliqué » le point de cristallisation des contradictions inter impérialistes. Après les guerres israélo-arabes autour du refus de la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien, après la mise en cause de l’unité du Liban pour mieux le contrôler, après les invasions aux conséquences dramatiques de l’Afghanistan et de l’Irak,  voici maintenant la Syrie. Je ne choisirai pas un camp impérialiste contre un autre. Autant je combats l’interventionnisme américain et de ses alliés dont la France aujourd’hui, autant je combats les mêmes visées impérialistes de la Russie dont je n’aurai pas l’illusion de croire qu’elle est l’héritière de l’URSS. Poutine est un nationaliste Panrusse. Il est lié à son église orthodoxe qui se rêve en fédératrice des christianismes d’orient. Le monde d’aujourd’hui voit succéder à la guerre froide qui opposait des camps identifiables, une globalisation dominée par un capitalisme financier et productiviste. Dans ce cadre prédateur et de plus en plus guerrier, émerge des nationalismes néo-conservateurs  décidés dans cette jungle à défendre leurs intérêts. Plus que jamais s’applique la fameuse phrase de Jaurès sur « le capitalisme (qui)  porte la guerre comme la nuée porte l’orage ». Se battre pour la paix est devenu vital pour l’humanité.

jeudi 15 décembre 2016

L'argent sale : le football leaks et les autres

Médiapart vient de publier, avec un certain nombre de quotidiens européens, les résultats d’une longue enquête sur les pratiques scandaleuses de plusieurs joueurs et entraineurs de football professionnel parmi les plus célèbres, en matière d’évasion fiscale. Les sommes détournées vers des paradis fiscaux sont considérables.
Il s’agit d’une gigantesque fraude organisée méthodiquement par un consortium d’agents de ces joueurs dont le plus célèbre, Jorge Mendes, règne en Europe sur les transferts des plus grands joueurs en toute impunité depuis de longues années. Ce système bénéficie du soutien de très importants cabinets d’avocats qui ont pignon sur rue. Les noms des joueurs que ces journaux distillent quotidiennement sont impressionnants. Ils jouent dans les meilleurs clubs européens tels le Réal de Madrid, le PSG, Monaco, et bien sûr des clubs anglais dont les propriétaires font partie du gotha financier mondial. Vous avez tous lu ces noms dans la presse. Mais il n’est pas inintéressant de noter qu’un nom manque à l’appel : Karim Benzema, trainé dans la boue en France parce qu’il ne chantait pas la Marseillaise avec l’équipe de France, écarté de la sélection pour une ténébreuse affaire dans laquelle on lui a refusé la présomption d’innocence. Or, contrairement au capitaine de l’équipe nationale épinglé par cette enquête, il paye ses impôts sur ses droits d’image en France alors que, jouant en Espagne, il n’y ait pas obligé.
Après le scandale des affaires frauduleuses au sommet de la FIFA, ces révélations mettent à nouveau en lumière le poids exorbitant  de  l’argent au sein de ce sport universel et populaire qui fait rêver des millions d’individus, en premier lieu des jeunes dans le monde entier. Mais une fois de plus ne jetons pas le bébé avec l’eau sale du bain car la course effrénée à la rentabilité, la fraude et l’évasion fiscales ne se réduisent malheureusement pas au football ni même au sport en général. La récente condamnation de l’ancien ministre Cahuzac vient nous rappeler l’ampleur du phénomène puisqu’en l’occurrence il s’agissait du ministre en charge de la lutte contre l’évasion fiscale ! Mais le procès en cours de l’ancien patron des patrons, le Baron Sellières, celui de Serge Dassault, auteur d’une évasion de ses profits vers le Luxembourg avec la complicité de Jean Claude Junker, à l’époque Premier ministre du duché et actuel Président de la Commission européenne et de bien d’autres personnalités, institutions bancaires et fonds d’investissements révèlent un mal endémique et systémique. Savez- vous que la fraude fiscale coûte à chaque français-e- 136 euros par mois alors que la fraude sociale dont M. Le Pen nous rebat les oreilles est à 6 euros par mois. Savez- vous qu’elle prive notre pays de 70 milliards d’euros par an soit l’actuel déficit annuel du budget de la nation. Vous avez dit dette publique ? Décidément le capitalisme contemporain  est comme le poisson dont Mao disait « qu’il pourrissait toujours par la tête ».


mardi 6 décembre 2016

Fidel


Le déchaînement de haine auquel nous venons d’assister à la suite du décès de Fidel Castro de la part des grands médias et d’une part importante du monde politique est consternant. Pas la moindre nuance, aucune objectivité pour employer un mot qu’il nous renvoie à la figure. Qui est manichéen? Il s'agit quand même d'une des plus grandes figures de l’anti-impérialisme mondial au XXe siècle qui nous quitte. Il a symbolisé ce combat  à Cuba en renversant la dictature Batista soumise aux USA qui avait fait de l'île un bordel exotique à quelques encablures de leurs côtes. Il a fait de ce petit pays le symbole du  combat de David contre Goliath, résistant un demi-siècle à toutes les tentatives d’invasion, de coup d’état, d’assassinats fomentés par les USA. Avec le « Ché », autre figure mythique de la révolution cubaine et les dirigeants des mouvements de libération nationale, il a fondé les  « non-alignés » qui ont joué un rôle majeur dans la lutte contre toutes les formes d’impérialisme. Il a initié en Amérique latine la résistance à la tendance, toujours d’actualité, des USA à considérer cette région comme « son sous-continent ». Il a mené un combat sans relâche contre le blocus imposé dès le début de la révolution cubaine par les américains qui est, on l’oublie trop souvent, la principale raison des difficultés économiques et sociales considérables que l’île connaît. Mais malgré le blocus, Cuba est reconnu pour avoir éradiqué l’analphabétisme, garantit un système de soins de qualité et gratuit, éliminer les formes extrêmes de la misère, de l’insécurité ou encore du mal-logement, assurer les droits des femmes.... Mais il a été, nous dit-on, un dictateur qui a dirigé son pays d’une main de fer . Ceux là même qui le disent ferment les yeux sur Guantánamo, la monarchie saoudienne ou Erdogan comme ils ont fermé les yeux dans le passé sur Pinochet, Ben Ali ou Moubarak. Mais n'éludons pas la question : Il est vrai que les révolutionnaires cubains dans un contexte de guerre froide où ils jouaient leur indépendance (cf. la crise des missiles entre les USA et l’URSS) se sont mis sous la protection du camp soviétique et de ce fait ont dû adopter leur modèle politique, parti unique, étatisation généralisée de l’économie et mise en cause des libertés. On sait la catastrophe que ce modèle non démocratique a provoquée à l’est de l’Europe et les amis de Cuba sont attentifs aux évolutions récentes vers plus de démocratie et de liberté sur tous les plans . Il est indispensable que ces réformes avancent avec audace mais c'est l'affaire du peuple cubain qui veut tout aussi légitimement préserver et développer son modèle social. Je ne suis pas sûr que cela soit le souhait des censeurs de Castro. Ce qu’ils veulent  c’est le retour de Cuba dans le giron américains et la généralisation du modèle ultra-libéral dont nous savons les dégâts causés en Amérique latine, en Europe et partout dans le monde. Face à Trump nous savons déjà qu’il faut amplifier notre exigence de la levée du blocus.

Adios Fidel, Cuba libre ! 

lundi 28 novembre 2016


La primaire de la radicalisation

Les résultats du 1è tour de la « primaire » de la droite sont révélateurs  de la radicalisation que connait la droite française. Avec une participation record, plus de 4 millions de votants, cette élection a vu triompher les thèses les plus réactionnaires sur le plan économique et social comme sur les valeurs sociétales. Si vous faites le total des voix recueillies par Fillon,  Sarkozy, Lemaire et Poisson vous n’êtes pas loin de 70% ! Si vous ajoutez à cela que Juppé et Copé n’ont pas de divergence de fond avec Fillon mais seulement de degré et de rythme pour mettre en œuvre le grand coup de balai ultralibéral et néo-conservateur dont il partage la philosophie, vous mesurez l’ampleur de la droitisation de ceux qui se nomment, par antiphrase, les Républicains. Leurs débats ont été marqués par une course réactionnaire à l’échalote. C’était à qui se déclarait le plus antisocial, le plus « thatchérien », le plus anti fonction publique, le plus antidémocratique, le plus nationaliste et identitaire, le plus anti-migrants, le plus chrétien traditionaliste… A ce jeu c’est « le mieux-disant » qui l’a emporté. Sans doute Sarkozy, qui en a pourtant fait des tonnes sur ces thèmes, a payé son quinquennat catastrophique, ses mensonges et sa malhonnêteté. Mais nous ne perdons rien au change. Fillon, qui a été son Premier ministre, s’est opposé à lui parce qu’il n’avait pas été assez loin dans la déréglementation sociale comme dans la défense de « l’identité nationale » et des valeurs qui fonde selon lui la famille, le mariage, le rôle des femmes et de l’autorité. Ainsi Fillon a fait une station à l’Abbaye de Solesmes dans son pays sarthois et a déclaré vouloir « retrouver nos racines chrétiennes et l’esprit des béatitudes ». Ses soutiens dans la jeunesse sont membres d’une organisation « Sens commun » très active au sein de la « Manif pour tous ». Son directeur de campagne Bruno Retailleau  est un transfuge du parti de De Villiers. Enfin son programme social est d’une brutalité inouïe.

Alors quand on est de gauche que faire ? Faut-il, comme je le lit ici ou là sur les réseaux sociaux, se mêler du combat Juppé/Fillon en spéculant sur le fait de savoir qui est le moins dangereux ou qui est le plus à même de battre M. Le Pen ? C’est un jeu totalement illusoire et très dangereux car l’un comme l’autre sont portés par la vague réactionnaire qui submerge les droites françaises. Sans oublier que cette vague peut offrir à la candidate du FN une réelle opportunité de l’emporter quel que soit son adversaire de droite, profitant de leurs divisions et de l’absence d’une gauche véritable. C’est pourquoi la conclusion que j’en tire est radicalement  différente : je crois qu’il y a urgence à se mobiliser, non pour réhabiliter un Hollande définitivement démonétisé, mais pour éviter le « mano à mano » des droites extrêmes en rassemblant une gauche d’alternative face à tous ces monstres que l’histoire nous sert, de Trump à Erdogan, de Fillon à Le Pen. « Quand les blés sont sous la grêle, Fou qui fait le délicat, Fou qui songe à ses querelles, Au cœur du commun combat. » (Aragon)