mardi 29 septembre 2015

Une loi d'orientation... sans orientation

« Prose déclarative », « discours creux », « Droit mou sans portée normative et programmatique »…Jamais projet de loi n’a été autant décrié. Rappelons qu’il résulte d’un engagement du Président de la République en 2012 dans le même discours où il promet de « sanctuariser » le budget de la culture. On connaît la suite, - 9% depuis son élection.
La première version de cette loi promettait tout. Depuis, le chantier s’est embourbé dans les sables de l’austérité et dans le déficit de pensée de ce pouvoir. La seule avancée réside dans l’affirmation, enfin proclamée dans une loi, de la liberté de création comblant ainsi un vide juridique indigne de notre pays. Il était grand temps à l’heure du populisme ambiant.
Pour le reste, c’est une loi d’orientation… sans orientation. On y rechercherait vainement la moindre ambition émancipatrice, la moindre attention à notre service public, la moindre référence à l’action des collectivités. Pas de réflexion  sur le statut de l’artiste, sur son travail ou sa rémunération, encore moins sur la diffusion des œuvres et sur le respect de la diversité culturelle. Rien ou si peu sur la démocratie culturelle à l’école, dans la cité et dans l’entreprise.
Cette loi sans ambition est aussi une loi sans moyens malgré la repentance cannoise du Premier ministre. Ajoutons que la loi NOTRe s’accompagne d’une éradication des dotations aux collectivités qui assument 2/3 des subventions en faveur de la création et de la culture et le flou sur la compétence générale provoque déjà des baisses dans ces  budgets. Quant à la loi sur le dialogue social elle présage des reculs futurs sur le régime des intermittents.
Le monde de l’art et de la culture est dans un état de sidération, tétanisé d’avoir été trahi par ceux-là même qu’il croyait fidèle à ce bien commun depuis 1981. La colère est réelle mais prenons garde à ce que cela ne soit pas le chacun pour soi qui domine pour s’en sortir.
L’heure doit plutôt être au rassemblement de tous : les artistes et les acteurs culturels, les salariés des établissements de création et de diffusion, des équipements patrimoniaux, doivent se mobiliser ensemble et s’adresser à toute la société. La culture, comme cela été rappelé après le 11 janvier, est un enjeu civilisationnel majeur qui conditionne notre vivre ensemble et notre avenir démocratique.
Cet ersatz de loi ne peut y pourvoir. Nous voulons une vraie loi d’orientation et de programmation qui pourrait se décliner autour de 3 grands axes :
-Un nouveau souffle pour la création en renouant le lien entre l’art et l’éducation populaire, en redéfinissant et en renforçant les missions des établissements publics, en développant une vision citoyenne de l’art dans la Cité.
-Une démocratie culturelle à l’école, dans le monde du travail et dans les territoires en s’appuyant sur la permanence de la présence des artistes dans ces lieux, sur la prise en compte des cultures populaires, et sur une vision émancipatrice de l’art et de la culture.
- Faire vivre la diversité culturelle et la prise en compte des cultures minoritaires. Une culture commune universelle ne peut plus se concevoir sans la reconnaissance et la relation avec la diversité qui caractérise notre société et notre peuple.
Pour atteindre ces objectifs il est impératif de refonder le service public de la culture avec des moyens nouveaux pour l’Etat et les DRAC, une compétence partagée entre l’Etat et des collectivités territoriales bénéficiant des dotations nécessaires, un partenariat fondée sur le respect de l’égalité des territoires et des garanties pour la liberté de création et de diffusion des œuvres.
La culture n’est pas un secteur gouvernemental parmi d’autres parce que c’est celui qui donne du sens à l’action publique. « Le politique dénué de culture et d’imaginaire est condamné à l’ordre du conjoncturel » écrit Mahmoud Darwich. Il est grand temps que le conjoncturel, financier et comptable, cède la place à la fabrique citoyenne d’un nouveau récit émancipateur.

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