« Prose
déclarative », « discours creux », « Droit mou sans portée
normative et programmatique »…Jamais projet de loi n’a été autant décrié.
Rappelons qu’il résulte d’un engagement du Président de la République en 2012
dans le même discours où il promet de « sanctuariser » le budget de
la culture. On connaît la suite, - 9% depuis son élection.
La première
version de cette loi promettait tout. Depuis, le chantier s’est embourbé dans
les sables de l’austérité et dans le déficit de pensée de ce pouvoir. La seule
avancée réside dans l’affirmation, enfin proclamée dans une loi, de la liberté
de création comblant ainsi un vide juridique indigne de notre pays. Il était
grand temps à l’heure du populisme ambiant.
Pour le
reste, c’est une loi d’orientation… sans orientation. On y rechercherait
vainement la moindre ambition émancipatrice, la moindre attention à notre
service public, la moindre référence à l’action des collectivités. Pas de
réflexion sur le statut de l’artiste,
sur son travail ou sa rémunération, encore moins sur la diffusion des œuvres et
sur le respect de la diversité culturelle. Rien ou si peu sur la démocratie
culturelle à l’école, dans la cité et dans l’entreprise.
Cette loi
sans ambition est aussi une loi sans moyens malgré la repentance cannoise du
Premier ministre. Ajoutons que la loi NOTRe s’accompagne d’une éradication des
dotations aux collectivités qui assument 2/3 des subventions en faveur de la
création et de la culture et le flou sur la compétence générale provoque déjà
des baisses dans ces budgets. Quant à la
loi sur le dialogue social elle présage des reculs futurs sur le régime des
intermittents.
Le monde de
l’art et de la culture est dans un état de sidération, tétanisé d’avoir été
trahi par ceux-là même qu’il croyait fidèle à ce bien commun depuis 1981. La
colère est réelle mais prenons garde à ce que cela ne soit pas le chacun pour
soi qui domine pour s’en sortir.
L’heure doit
plutôt être au rassemblement de tous : les artistes et les acteurs
culturels, les salariés des établissements de création et de diffusion, des
équipements patrimoniaux, doivent se mobiliser ensemble et s’adresser à toute
la société. La culture, comme cela été rappelé après le 11 janvier, est un
enjeu civilisationnel majeur qui conditionne notre vivre ensemble et notre
avenir démocratique.
Cet ersatz
de loi ne peut y pourvoir. Nous voulons une vraie loi d’orientation et de
programmation qui pourrait se décliner autour de 3 grands axes :
-Un nouveau souffle pour la création en renouant le lien
entre l’art et l’éducation populaire, en redéfinissant et en renforçant les
missions des établissements publics, en développant une vision citoyenne de
l’art dans la Cité.
-Une démocratie culturelle à l’école, dans le monde du
travail et dans les territoires en s’appuyant sur la permanence de la présence
des artistes dans ces lieux, sur la prise en compte des cultures populaires, et
sur une vision émancipatrice de l’art et de la culture.
- Faire vivre la diversité culturelle et la prise en compte
des cultures minoritaires. Une culture commune universelle ne peut plus se
concevoir sans la reconnaissance et la relation avec la diversité qui
caractérise notre société et notre peuple.
Pour atteindre ces objectifs il est impératif de
refonder le service public de la culture avec des moyens nouveaux pour l’Etat
et les DRAC, une compétence partagée entre l’Etat et des collectivités territoriales
bénéficiant des dotations nécessaires, un partenariat fondée sur le respect de
l’égalité des territoires et des garanties pour la liberté de création et de
diffusion des œuvres.
La culture n’est
pas un secteur gouvernemental parmi d’autres parce que c’est celui qui donne du
sens à l’action publique. « Le politique dénué de culture et d’imaginaire
est condamné à l’ordre du conjoncturel » écrit Mahmoud Darwich. Il est
grand temps que le conjoncturel, financier et comptable, cède la place à la
fabrique citoyenne d’un nouveau récit émancipateur.
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